Le futur numéro un de FO, Pascal Pavageau, condamne la "logique d'individualisation" de la société prônée selon lui par Emmanuel Macron et se prête à rêver d'une "réhabilitation" du syndicalisme, dans un entretien à l'AFP.
Celui qui doit être élu le 27 avril secrétaire général de Force ouvrière, précise d'emblée qu'il n'est pas franc-maçon et n'appartient à aucun parti. Une façon pour lui de marquer une distance avec Jean-Claude Mailly, à la tête du troisième syndicat français depuis 2004.
"Je veux incarner l'indépendance, ce qui est un changement depuis la création" de FO en 1948, après une scission avec la CGT: tous les secrétaires généraux de FO étaient adhérents du parti socialiste.
La ligne de ce presque quinqua issu de la fonction publique? Celle de FO "historique", c'est-à-dire "négocier à chaque fois qu'on peut le faire car la négociation est un rapport de force, un bras de fer intense".
Et ensuite? "Pas d'état d'âme" à aller à la contestation, qui va de l'action en justice à la grève et à la manifestation.
Approuvant la convergence des luttes prônée par la CGT, il lui préfère le terme "unité d'action". Mais elle "ne s'improvise pas et se prépare".
Le terrain semble propice, selon lui. "De plus en plus de travailleurs et de citoyens sont d'accord pour dire que la vision de Macron du nouveau monde où on est tous livrés à nous-mêmes, tous autoentrepreneurs, ne correspond pas à l'esprit d'une République d'égalité des droits".
- "Bombes à fragmentation" -
Plus globalement, il critique la "logique d'individualisation" prônée selon lui par le président de la République à l'opposé de sa propre vision, fondée sur le "droit collectif, l'égalité des droits et les valeurs républicaines".
Il est "frontalement contre" le compte personnel d'activité (CPA), mis en place sous François Hollande et qui, selon lui, "suit une logique de dévitalisation des droits collectifs et d'individualisation des droits que je ne partage absolument pas".
Plus généralement, "lorsqu'on obtient de nouveaux droits" dans une entreprise, une branche ou en interprofessionnel, il est "de la responsabilité de la puissance publique de les étendre ou de les généraliser pour garantir l'égalité des droits".
Le futur leader voit comme un "autoritarisme primaire", "quasi dictatorial" le fait que pour la réforme de la formation professionnelle, l'exécutif n'ait pas pris en compte le refus unanime des syndicats de transformer l'unité de mesure du compte personnel de formation (CPF), en euros plutôt qu'en heures.
Et raille "le big bang" de la formation professionnelle promis par Muriel Pénicaud avec cette réforme qui doit être présentée en conseil des ministres le 27 avril, en plein congrès de Force ouvrière. "Big bang, ça rime avec boomerang, qui peut mettre du temps à revenir mais revient toujours".
Face à la "com' très bien faite" et "extrêmement efficace" de l'exécutif, lui envisage de moderniser celle de Force ouvrière, promettant "phrases chocs" ou présence plus adéquate sur les réseaux sociaux où le syndicat "est mauvais".
Autre mission: "essayer de réhabiliter le syndicalisme dans l'esprit de chacun". "Syndicalisme ne rime pas forcément avec chemise arrachée ou pneu brûlé. C'est avant tout protéger et défendre les collègues et les salariés", relève-t-il.
"Syndicalisme, c'est un engagement", insiste-t-il, regrettant que "sur les plateaux télé, quand on a affaire à un représentant d'une association quelconque, c'est noble et positif, mais dès qu'il s'agit d'un syndicaliste, c'est tout de suite ringard, c'est l'empêcheur de tourner en rond".
Or l'enjeu est crucial car "les digues du statut, des conventions collectives, du Code du travail, de la Sécu sont très largement fissurées" et "le gouvernement pose des bombes à fragmentation sur ces digues" en vantant le "chacun pour soi, dans une logique de jungle".